Le Centre de lutte contre l’oppression des genres, un organisme indépendant financé par les étudiants et étudiantes de l’Université de Concordia, a pour mandat de lutter contre l’oppression de genres à travers des campagnes qui dénoncent la violence genrée, sexuelle et raciale et fait la promotion des droits des trans*, des droits des femmes autochtones et l’accès aux services publics incluant l’avortement et la transition de genre. Notre équipe et les membres de notre conseil d’administration s’opposent unanimement à la Charte des valeurs québécoises qui a été proposée récemment.
Depuis ses débuts comme centre de femmes dans les années 80, notre organisation a été fortement engagé dans l’activisme et la culture féministe. Nous aurions donc soutenu toute charte valorisant réellement les droits des femmes et la justice sociale. Malheureusement, la Charte proposée ne fait pas la promotion des droits des femmes et n’est pas féministe – bien au contraire.
Une Charte des valeurs québécoises qui viserait réellement l’égalité particulièrement pour les femmes des «communautés culturelles», s’attaquerait directement aux racines des inégalités persistantes. Elle donnerait la priorité aux actions en vue d’assurer l’équité salariale, qui n’est toujours pas atteinte. Elle mandaterait le gouvernement de garantir l’accès aux soins de santé pour les réfugiés et pour les femmes des communautés culturelles, et veillerait à faciliter l’accès aux services sociaux et communautaires nécessaires pour répondre aux besoins de toutes les femmes.
Une telle charte inclurait également des mesures pour mettre fin à la violence contre les femmes en faisant la promotion des programmes de consentement et en enseignant aux personnes sexuellement actives que «non veut dire non» et «oui veut dire oui». Elle inclurait également des cours d’éducation holistique à la sexualité comme cours obligatoires dans le programme scolaire. Une telle charte s’attaquerait ainsi à deux facteurs soutenant l’inégalité entre les sexes : la violence sexuelle et l’accès aux services de santé. Plus important, une charte respectueuse incorporerait les «valeurs» qui réclament une attention urgente à la problématique des femmes autochtones assassinées et disparues et une enquête policière adéquate sur ces cas. Ces actions feraient réellement la promotion des droits des femmes.
À l’inverse, la Charte proposée empêchera des milliers de femmes musulmanes d’accéder et de maintenir des emplois bien rémunérés, stables, avec des conditions de travail idéales concernant la maternité et la conciliation travail-famille. Cette Charte ne fera qu’entrainer une plus grande inégalité; elle causera plus de torts aux femmes qu’autre chose.
Refuser l’accès ou forcer les femmes à quitter leurs emplois à cause du fait qu’elles portent des signes religieux «ostentatoires», ce serait enlever un type de modèle que les femmes peuvent représenter pour leurs enfants, ce serait faire vivre d’importantes difficultés financières aux familles. Plus encore, ce serait rendre les femmes dépendantes économiquement de leurs maris/partenaires, de quoi renforcer l’isolement de celles qui vivent déjà dans des situations d’abus. Ces exclusions pourraient cantonner les femmes dans des emplois précaires, à salaire minimum, sans pension de retraite convenable et aucune opportunité d’avancement dans leurs carrières ou d’amélioration de leur statut économique. Et, les enfants de ces mères qui devront travailler deux fois plus pour obtenir autant ou la moitié de ce qu’elles gagnaient auparavant, payeront également le prix. Ces derniers perdront potentiellement un logement décent, une alimentation saine et variée, des activités extra scolaires, et l’accès à plusieurs autres déterminants de leur développement. La marginalisation sociale et économique n’est pas féministe, et certainement pas la voie pour l’atteinte de l’égalité !
Nous nous opposons fermement aux présentes propositions de la Charte des valeurs québécoises. Elle ne mène pas à l’égalité entre les genres et n’est pas une voie vers la justice sociale. Nous encourageons les féministes et les activistes alliés au Québec à s’exprimer et à dénoncer cet abus du féminisme.
L’équipe de travail et les membres du Conseil d’administration du Centre de lutte contre l’oppression des genres